juillet 2004, Voyage au Kenya

VOYAGE AU KENYA

DU RÊVE À LA RÉALITÉ

juillet 2004
par Jessica Valoise

J’ai quinze ans quand ma mère m’annonce que son nouveau travail propose une colonie de vacances au Kenya durant l’été.

Fin de première année de lycée, pire période de l’adolescence, le nez plongé dans ma collection de Reggae Magazine (aujourd’hui Reggae Vibes), entourée de posters, drapeaux, écharpes, à l’effigie de Bob Marley et de la Jamaïque placardés sur chaque espace libre de ma chambre des murs aux plafonds, je ne comprend pas tout de suite que c’est une proposition tellement la chose me parait inespérée. Le Kenya, ça n’est pas la Jamaïque, mais c’est dans la même veine, ou presque.

L’Afrique noire, mon premier voyage en dehors de la France, la Martinique et l’Angleterre.

Douze ans plus tard, je vous partage des souvenirs inoubliables d’un voyage ayant changé ma vie, ainsi qu’une sélection de photographies prises à l’époque à l’appareil photo jetable Kodak.

Notre équipe de supers guides, avec Simba à gauche © 2004 Jessica VALOISE

Nous sommes divisés en plusieurs groupes, et le guide qui nous est attribué s’appelle Simba.

« – Mais on m’appelle Momo. »

Le rapport? Je ne sais pas. Mais moi, je l’appellerai Simba. Parce que c’est comme dans le Roi Lion, mon dessin animé préféré de tous les temps. Donc, première chose que j’apprend : Simba est un vrai prénom. Simba, c’est aussi mon doudou depuis mes six ans. C’est bon signe. Notre guide sera forcément le meilleur guide du monde.

Nous avons commencé par dix jours de safari et de visite des villages.

Lever de soleil quelque part dans la savane © 2004 Jessica VALOISE
Au lac Nakuru © 2004 Jessica VALOISE
Le King © 2004 Jessica VALOISE
Gang de girafes © 2004 Jessica VALOISE
Mes frères les zèbres, mi-blancs mi-noirs, ni blancs ni noirs © 2004 Jessica VALOISE
La vue au réveil, en ouvrant les rideaux de notre chambre © 2004 Jessica VALOISE
Vue sur le Kilimandjaro © 2004 Jessica VALOISE

Chaque matin, nous partions au lever du soleil pour profiter de la fraîcheur des matinées. Dès que nous prenions la route, un des garçons de notre groupe chantait l’introduction du « cycle de la vie ». Les deux premiers jours ça nous a fait rire, après c’était tout simplement notre hymne du matin.

Les paysages étaient impressionnants. Les animaux aussi. Tout paraissait irréel tellement gigantesque. Nous ne pouvions descendre des camionnettes, à cause des serpents, et des autres animaux. Un jour, nous avions réussi à suffisamment insister pour descendre, avec un garçon du groupe. On s’est approché d’une lionne, pour la photographier. Lorsqu’elle a tourné la tête pour nous regarder, nous nous sommes retrouvées face à face, yeux dans les yeux. C’était un instant magique et intense, à aucun moment effrayant. Suspendu dans le temps, je n’ai déclenché aucun clic. Sans mots, c’est comme si nous avions communiqué.

Un jour sur notre route il y avait deux éléphants adultes et un éléphanteau. Simba ne s’est pas arrêté, alors on le lui a demandé. Il nous a mis en garde, nous disant que la maman éléphant n’allait pas apprécier. On a insisté. Il s’est arrêté. La maman éléphant a fait voler ses oreilles. On s’est tous dit « Waaa ses oreilles sont plus grandes que sa tête, ils n’exagèrent pas dans Dumbo ». On a senti du vent. Puis notre camionnette a commencé à trembler. C’était le poids des pas de la maman éléphant qui nous chargeait. Simba a démarré en trombe. La maman éléphant se rapprochait de plus en plus de nous. On a crié. La maman a arrêté de courir. Simba continuait a accélérer. On a tous écouté Simba sans broncher jusqu’à la fin du voyage.

Chaque jour, on rentrait avant le coucher du soleil. Personne ne nous avait dit pourquoi. Jusqu’au jour où nous avions pris du retard et que nous avons dû traverser un désert de nuit… On nous dit de ne faire aucun bruit sur un ton tellement sérieux qu’on obéit sans broncher. Puis, soudain, toutes les camionnettes s’arrêtent, coupent le moteur, et éteignent leurs lumières.

« – Que se passe-t-il ? »

« – Il y a des braconniers au loin, sur la droite, vous les voyez? Si eux nous voient, il y a un risque qu’ils nous rackettent ou nous kidnappent… Bref, ne faites pas de bruit. »

Heuuuuuu. Ok. Simba nous lâche ça, comme ça, tout en chuchotant. On n’a pas fait les fiers. On s’est tu. Et on a attendu. Pas très longtemps. Heureusement. Et heureusement, c’est arrivé dans les derniers jours.

Danse d’accueil des Maasaï dans leur village © 2004 Jessica VALOISE
Danse d’accueil des Maasaï dans leur village © 2004 Jessica VALOISE
Visite d’une école © 2004 Jessica VALOISE
Avec les élèves filles de l’école © 2004 Jessica VALOISE
Élèves (classe des garçons) de l'école que nous avons visité © 2004 Jessica VALOISE

Nous avons visité une école primaire, et nous avons été impressionnés par la discipline des élèves en classe. Puis, c’est leur énergie qui nous a déconcerté dans la cours de récré. Un groupe de filles a commencé à me fixer puis à s’approcher. Elles m’ont prises les mains puis touché les cheveux. Elles me dévisageaient. J’ai imaginé qu’elles essayaient de me situer entre la couleur de ma peau, mes traits ambigus et mes cheveux. En tout cas, elles ne m’ont pas lâchés, m’ont appris des jeux de mains comme « trois petits chats », quelques chansons, et nous nous sommes échangé des bracelets.

Dans le village Maasaï, on a visité leurs maisons dont les murs sont faits en bouse de vache mélangée à de la paille, et dont les lits sont des morceaux de bois entrelacés. Il fait frais à l’intérieur, c’est l’intérêt de la bouse de vache. Les Maasaï sont géants et sautent super haut. Ils nous montrent ce qu’ils mangent : du sang mélangé à du lait. Beurk.

En swahili, « Bonjour » se dit « Jambo ». D’ailleurs Simba nous fait découvrir une chanson, Jambo Bwana, dont il nous traduit les paroles. On apprend par la même que tout comme « Simba », « Hakuna Matata » existe pour de vrai. On l’a écouté tous les jours.

Les cinq derniers jours, nous avons logé dans un hôtel au bord de la plage, avec d’autres touristes. C’était chiant. Avec Loeva, on essayait d’aller se balader sur la plage, mais ça n’était pas recommandé, et on devait prévenir un des gardes de l’hôtel pour qu’il nous surveille… Rencontrer les gens de là-bas, c’est tout ce qui nous intéressait.

Les gardes de l’hôtel faisaient la sécurité équipés de tirs à l’arc. Avec des flèches.

Sur la plage, on a rencontré plein de gens, dont des jeunes rêvants de l’Amérique et adoptant ses codes vestimentaires… Les vendeurs étaient supers gentils et on échangeait longtemps sur les modes de vie des uns et des autres.

On a mangé du crocodile (c’était bon), et même de l’autruche (c’était pas bon).

Un soir, alors qu’on traînait dans l’hôtel (j’étais presque incapable de dormir la nuit à l’époque) avec Loeva, nous avons surpris les monos prêts à aller en soirée. On a insisté lourdement (oui, j’insiste beaucoup quand je veux quelque chose) pour les suivre, contrant tous leurs arguments… Ils ont fini par accepter, un des garçons de la colo s’est joint à nous, et nous avons marché quelques minutes sur la plage, accompagnés de deux gardes, pour atteindre la boîte de nuit. Finalement, l’ambiance était tellement glauque à l’intérieur que nous sommes restés juste le temps de boire notre Coca.

La vue en s’allongeant sur notre terrasse © 2014 Jessica VALOISE

Je suis rentrée de ce voyage avec des étoiles plein les yeux, et une seule envie : en voir encore plus!