Je t’aime, mais j’ai quelque chose à te dire.
J’en aime un autre. Et quelques autres. Pas comme toi, pas plus que toi, pas moins que toi. Différemment de toi.
Ce n’est pas parce que tu ne me suffis pas, ce n’est pas parce que tu n’es pas LE bon.
C’est parce que – si l’on doit y trouver une raison – parce que je suis comme ça.
L’Amour, je ne le vois pas tout à fait comme toi tu le vois. Je ne le ressens pas tout à fait comme toi tu le ressens.
Quand tu me dis que ce n’est pas normal, ça me fait un peu mal.
Tu vois, l’Amour je ne suis pas certaine que l’on puisse le définir d’une seule façon. Qu’on puisse le faire rentrer dans un seul mode d’expression.
Quand tu me dis qu’on ne peut aimer qu’une seule personne à la fois, ça sous-entend que tu contrôles ton sentiment amoureux, et que donc, tu as choisis d’aimer la personne que tu aimes, et de ne pas aimer d’autres personnes. C’est un choix. En suivant ce raisonnement, tu as donc aussi choisi d’aimer les femmes, plutôt que les hommes. Ce n’est pas une attirance naturelle. C’est un choix que tu as fait.
De la même manière que tu ne me comprends pas, il m’est complètement impossible de comprendre comment on peut choisir d’aimer ou de ne pas aimer, lorsque je vois l’Amour comme une des choses les plus libres et les plus instinctives.
L’Amour peut-il vraiment dépendre d’un genre, d’une couleur de peau, d’une origine sociale? D’un nombre?
Ma vision de l’Amour ne rime pas avec te définition de la relation.
Je le comprend bien. J’aimerai ça aussi, que tu me comprennes bien.
Je ne partage pas ta vision de la relation.
Je n’ai pas envie d’emménager avec toi. Ni avec eux.
Ce n’est pas parce que je ne suis pas prête.
J’aime vivre seule.
Ce n’est pas une question d’habitude non plus.
J’aime profondément être seule.
J’aime rentrer chez moi chaque soir et m’enfermer dans ma bulle, dans mon silence, sans avoir à interagir avec qui que ce soit de manière systématique. Je n’aime pas raconter ma journée, je n’aime pas parler en continu, ni écouter en continu.
J’aime me réveiller le matin, seule, émerger tranquillement, en silence, sans avoir déjà à interagir et composer avec le monde extérieur.
Bien plus fort que tout ça, j’ai besoin de cette solitude.
Je veux vivre seule, avec toi. Autant qu’avec eux.
Simplement pas de la façon dont toi tu l’entends.
Je veux vivre, profondément. Chaque instant, le plus intensément possible. Sans me préoccuper du bon sens, de la norme, de ce qu’ils en pensent.
Et non, il ne m’est rien arrivé, je n’ai rien vécu de traumatique qui m’aurait rendu comme ça. Je suis née comme ça.
Mais tu sais, je n’ai pas toujours été comme ça. Parce qu’évidemment, moi aussi j’ai cru à la normalité. Enfin, « j’y ai cru ». Je ne l’ai pas remise en question pendant des années, essayant plutôt de m’adapter à cette norme unique. Quand il n’y a qu’un seul choix, que ça semble être comme ça depuis toujours et partout dans le monde, ben on ne se pose pas de question.
Mais ça ne marche pas pour moi ce type de relation. Ça m’étouffe, ça m’enferme, ça m’ennuie, ça me frustre. Ça m’éteint.
Je sais que « être en couple », « fonder une famille », tu vois ça comme un but. Oh, tu es loin d’être le seul. En fait, c’est la norme de la majorité de voir ça comme le but ultime de la vie, comme un accomplissement. D’ailleurs, quand on se marie, on nous dit, « Félicitations ». Les félicitations, c’est quand on a accompli, réussi quelque chose. Alors, bravo d’avoir accompli une union, d’avoir réussi à vous marier?
Je sais bien qu’en tant que femme seule, tu vas me voir soit comme une fille de joie, soit comme une vieille fille (ouf, je n’ai pas de chats!). Mais encore une fois, tu n’es pas le seul à penser ça. Ce n’est pas socialement accepté d’être seul.e.
Je trouve ça étrange.
Je trouve ça étrange que le but de la vie soit de trouver UN.E autre avec qui partager sa vie. Sans quoi, nous aurions raté quelque chose. Sans quoi, nous n’existerions pas.
Existons-nous, seul, au sens, célibataire? Existons-nous, au sens, sommes-nous considéré? Comme des personnes normales, heureuses, épanouies, ayant réussi leur vie avec eux-mêmes? Avec plusieurs « lui »?
Et quand tu me dis, « mais tu ne veux d’enfants?! », non seulement, ce n’est pas une obligation non plus, mais oui, j’en veux. Sans pour autant vouloir tout le package supposé venir avec. Là encore, il n’y a pas un seul model qui existe.
Ne te méprends pas. Je suis pour l’Amour. Je suis amoureuse de l’Amour. Je tombe amoureuse chaque semaine, si ce n’est chaque jour. Parfois pour toujours, parfois pour des heures qui toujours, durent toujours.
Je suis une éternelle romantique.
J’aime être amoureuse. J’aime voir des gens qui s’aiment. Des gens qui s’aiment pour de vrai. Des gens qui s’aiment parce qu’ils ont choisi d’écouter leur cœur. Des gens qui vivent librement leur amour.
Tu sais, j’ai un ami, il est comme moi. Mais il ne l’accepte pas. Je ne te parle pas d’un coureur de jupons, je te parle d’un homme qui aime profondément. Il est allé consulter un psychologue quelques années, pour se « guérir ». Tu sais à quoi ça m’a fait penser? Aux centres de ré-éducation pour homosexuels, afin de les rendre hétérosexuels. Un défaut de fabrication qu’il faut réparer.
Si je t’écris cette lettre, c’est un pour toi, puis un peu pour lui.
On n’a pas besoin d’être réparés.
On n’a pas besoin d’être étudiés.
On n’a pas besoin de théories ou d’explications.
On est comme ça.
Comme toi tu es comme toi.
À l’Amour.
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