Depuis le 11 janvier, je me trouve à Lima, au Pérou, dans un volontariat pour lequel je devais initialement réaliser une vidéo promotionnelle du projet.
Il s’est avéré que le projet m’a parlé, et qu’il matchait parfaitement avec le mien, « Art is the message ». Je me suis donc impliquée un peu plus que prévu, et j’y donne des ateliers de créativité.
Je parlerai un peu plus longuement du projet sur le site « Art is the message », mais en attendant, j’aimerai vous partager une réflexion que j’ai eu après plusieurs visites à Pamplona, le bidonville où le projet a lieu.
« You may say I’m a dreamer,
but I’m not the only one,
I hope some day you’ll join us,
And the world will live as one. » – John Lennon, Imagine
Je me disais, imagine la dizaine d’enfants que nous avons sortent de leur situation précaire, c’est bien, mais après? Imaginons les 20 000 habitants de Pamplona sortent de leur situation précaire, c’est génial, mais après? Les autres? Dans le reste du Pérou, dans le reste du monde?
Pouvons-nous imaginer que la pauvreté matérielle et « intellectuelle » soit abolit? La pauvreté fait-elle partie de l’équilibre du monde? Je sais que je ne révolutionne rien avec ce questionnement qui a fait et fait le sujet de nombreux essais philosophiques, mais y a-t-il une réponse concrète, et par la même, une réponse acceptable? L’excellente série brésilienne 3% pose d’ailleurs ce questionnement.
Et alors en me questionnant sur la pauvreté, sur l’état d’insalubrité de Pamplona, sur l’environnement, etc., etc. Je me suis demandée, pouvons-nous sauver le monde?
Et ce questionnement pourrait très vite me pousser à arrêter, parce si je ne peux pas tout faire, est-ce que le peu que je fais est utile? Fait-il une différence dans ce vaste monde? Et si tout le monde ne le fait pas, est-ce utile que moi et d’autres centaines de personnes le fassent? Et ça, ça me fait penser aux « tout ou rien ».
Les « tout ou rien », ce sont ces gens qui ne vont pas faire dix minutes de sport par jour parce que s’ils n’ont pas deux heures à y consacrer par jour, ça ne sert à rien. Ce sont ces gens qui ne vont pas acheter des tomates bio parce que le bio n’existe pas à 100%, alors autant manger une merde à 100% plutôt qu’une merde à 8%. Ce sont ces gens qui ne vont pas reprendre cinq années d’étude à quarante ans parce qu’il ne leur restera que quinze ans pour pratiquer, alors autant continuer vingt ans dans un emploi qu’ils n’aiment pas plutôt que quinze ans dans un emploi où ils s’épanouiraient. Ce sont ces gens qui ne vont pas faire de tennis parce que s’ils ne sont pas Serena Williams, ça ne sert à rien. Bref, je peux continuer longtemps avec ces exemples.
Je pense que tout simplement, nous nous mettons beaucoup trop de pression à vouloir être parfaits sinon rien, à se dire qu’un geste, le plus petit qu’il soit, ne sert à rien. Je pense qu’il est beaucoup plus simple de se dire « autant ne rien faire », que d’essayer un petit quelque chose au risque d’être déçu par une absence de résultat immédiat ou espéré.
Je pense aussi que nous voulons souvent coller à un idéal et faire des choses « parce que c’est bien » plutôt que faire des choses parce qu’elles résonnent en nous. Quand on fait une chose à contre-coeur, elle aura beau être la chose la plus louable du monde, rien de bon ne pourra en ressortir, et spécialement pour nous-même. Quand on fait les choses avec le coeur, il n’y a ni ego, ni orgueil, ni espoirs, ni attentes. Tout réside uniquement dans le processus lui-même. C’est exactement comme pour un artiste, son bien-être explose dans le processus de création, qu’il y ait par la suite des retours ou non. Bien sûr, les retours sont un plus, mais le bien-être ressenti n’est jamais aussi intense que dans le processus de création lui-même, ce moment où nous sommes entièrement connecté à notre Soi.
Un autre exemple personnel que j’aimerai vous partager est celui du veganisme. Pour des raisons de santé, j’ai du arrêter il y a six ans toute consommation de viande rouge et de produits laitiers. Quelques mois après cet arrêt imposé, sans y trouver d’explication logique, n’ayant jamais été très fan ou proche des animaux, j’ai ressenti un profond dégoût pour toute chair animale. Comme Lisa Simpson, je voyais l’animal entier dans mon assiette. Quelques années plus tard, j’ai pris la décision, pour des raisons éthiques et écologiques, de ne plus porter de peaux animales et de ne plus consommer de cosmétiques testés sur les animaux. Je suis rentrée dans la case que l’on nomme « vegan », sans désir de départ de devenir vegan. Et quand je regarde en arrière, je me dis que si ce changement était parti d’un désir de coller à un idéal qui « paraît bien », aurai-je ressenti la même chose? Je suis certaine, à 99,9% que non. J’aurais probablement été très frustrée, j’aurais probablement craquée et qualifiée ceux qui y parviennent « d’extrémistes », j’aurais probablement trouvé mille et une excuse de coût de la vie d’un vegan ou de carences alimentaires, j’aurais probablement affirmé que de toute façon ça ne servait à rien parce que les animaux sont quand-même tués et que si tout le monde ne devient pas vegan ça ne sert à rien qu’on soit des millions à l’être. Bref, j’aurai été une tout ou rien, simplement parce que ce geste ne me parlais pas.
Alors, pour en revenir au questionnement, pouvons-nous sauver le monde? La réponse sur-optimiste serait un grand oui. La réponse la plus probable est probablement un triste non. Mais si la réponse était peut-être? Imaginons quelques instants, le cas d’un peut-être… Et alors, dans le doute de ne pas pouvoir le sauver le monde, et dans l’espoir de pouvoir le sauver, peut-être qu’on pourrait essayer, non?
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